DES PARENTS DANS UN PAYS LOINTAIN – Histoire égyptienne

J’ai toujours pensé que seuls les humains ont des parents dans un pays lointain, mais il y a probablement des exceptions.

Dans un petit village de l’Orava, au centre de l’Europe, où nous possédons un chalet de famille, est apparu un jour un pingouin. A vrai dire, il y était depuis longtemps, mais nous ne l’avons découvert qu’au moment où j’ai dû descendre de ma colline pour aller à la quincaillerie. Pour changer un peu, j’avais pris avec moi ma fille de six ans, Veronika. Ça ne pouvait pas rater, elle a découvert ce pingouin posé sur l’étagère, juste au-dessus de la caisse. Bien sûr ce ne sont pas les clous, les peintures, les haches et les scies qui auraient pu l’intéresser, mais un pingouin dans une quincaillerie, ça n’arrive pas tous les jours. Et celui-là y était depuis fort longtemps, son manteau de peluche noire était bien poussiéreux. Mais ça ne dérangeait pas notre Veronika. Il lui faut toujours des cadeaux, même à l’occasion d’un achat de clous, mais là j’ai dit non, très fermement.

Ça faisait une semaine que je refusais le pingouin, ce qui était déjà une assez bonne performance. Mais finalement je n’ai pas pu supporter plus longtemps les pleurnicheries et les hurlements d’envie de Veronika. Nous sommes donc retournés voir ce pingouin, juste le voir. Veronika était ravie. Le propriétaire du magasin était ravi aussi. Il a compris que c’était la chance de sa vie. Il avait dû accepter de mettre en vente ce pingouin (qui marchait cahin-caha grâce à des piles, qui battait des ailes et produisait des couinements électroniques de pingouin) dans un moment de folie passagère. Veronika et moi devions lui paraître des envoyés du ciel.

Tučniak I, ilstr. Vanek
Tučniak I, ilstr. Vanek

« Je vais vous faire une réduction. »

Je pensais que c’était bien normal vu la couche de poussière sur le pingouin. Mais ce n’était pas nécessaire, nous n’étions venus que pour regarder.

« Regardez, regardez. »

Nous avons donc regardé comment le pingouin marchait cahin-caha, comment il battait des ailes et comment il produisait des cris électroniques de pingouin. Moi, tout cela ne m’apparaissait pas spécialement attirant, mais Veronika et le propriétaire du magasin étaient tout excités. Ça ne devait pas s’arrêter là.

« Mais vous n’avez pas encore tout vu !» s’exclama d’une voix théâtrale le commerçant, quand le pingouin eut cessé de marcher cahin-caha, de battre des ailes et de caqueter. « Celui-ci, le propriétaire prit l’air mystérieux, prenant dans ses mains le pingouin qui ne se doutait de rien, celui-ci, c’est un mâle ! Et j’ai aussi la femelle ! » Et tout de suite il a apporté un carton de dieu sait où, sans doute de sa réserve, et de ce carton il a sorti exactement le même pingouin que celui de l’étagère. Il les a placés côte à côte.

« Et voici papa pingouin et maman pingouin ! »

Nous nous sommes regardés, Veronika et moi, bouche bée : une ferme de pingouins à Oravská Lesná ? Des petits pingouins en peluche facilement et rapidement ?! Avant de perdre ce qui me restait de jugement, j’ai immédiatement affirmé que ce mariage ne pourrait se faire que sur mon cadavre. La petite Veronika m’a tout de suite fait savoir que si on n’achetait rien, ce serait alors aussi sur son cadavre qu’il faudrait compter. Le propriétaire du magasin était au bord de l’attaque cérébrale depuis longtemps déjà. Et dans tout cela deux pingouins marchant cahin-caha, battant des ailes et caquetant quelque chose dans leur langue maternelle électronique.

Tučniak II, ilstr. Vanek
Tučniak II, ilstr. Vanek

Je considère que ça a été une grande victoire de la raison si nous ne sommes partis qu’avec la femelle (celle sans poussière). N’essayez pas de me rappeler que nous n’avons été dans le magasin que pour regarder. Le résultat est né clairement d’un compromis.

Un mois plus tard nous sommes allés, ma gentille femme Janina et moi, en vacances en Egypte,à Hurghada, à l’origine un village de pêcheurs désert, transformé en quelques années en un centre touristique couvert d’hôtels, de plages, de piscines et de petits magasins. C’est comme à Kuta, à Bali, ou dans n’importe quel village de Croatie sur la côte Adriatique. Les magasins d’Hurghada étaient peu nombreux, mais l’un d’entre eux ressemblait à un « duty free ». C’est ce qui nous a attiré, nous l’avons visité, et nous n’avons rien acheté. Mais nous avons rapporté à la maison une bonne nouvelle. Notre pingouin femelle a un oncle à Hurghada. Il est sur une étagère, couvert de poussière, et il attend qu’une Veronika locale vienne pour l’emmener chez elle, en compagnie de la tante, cachée dans la réserve…

Traduit par Antoine Ehret

From a book (see in E-book form here) by Gustáv Murín: Le monde est petit – collection of travel stories in bilingual Slovak–French edition, Langues&Mondes–L´Asiathèque Publ., Paris, 2005.

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